Migration


La Grue cendrée, en France, est un hôte hivernal.
Elle marque indistinctement dans le cœur de tous, spécialistes ou non, un marquant dans l’année, une page qui se tourne, une annonce de l’arrivée des premiers froids. Mais cela dans nos contrées seulement.

Plus au nord, sur ses sites de nidification, elle marque à l’inverse le renouveau du printemps dès son retour en mars.
Alors à quoi riment ces incessants voyages ? D’où vient-elle exactement, où va-t-elle et pourquoi ?

Les contrées lointaines où l’espèce niche ne correspondent plus à l’espèce dès lors que l’hiver arrive. Les eaux gèlent, la nourriture devient indisponible, et ce sont là les raisons principales de leur départ.
Elles s’organisent alors, partent en groupes plus ou moins importants, et quittent pour des mois leur pays de naissance et de reproduction.

Les sites d’hivernage qu’elles vont rejoindre, distants de plusieurs milliers de kilomètres, sont choisis pour les conditions qu’ils offrent : des ressources alimentaires et des dortoirs protégés.
Le nord de l’Afrique, l’Espagne et la Turquie en constituent une bonne partie pour ce qui concerne les population d’Europe de l’ouest.
Il s’agit alors pour des centaines de milliers de grues de faire le voyage jusque là...

Ces grands oiseaux gris ne migrent pas sur un large front mais empruntent de véritables couloirs bien délimités qu’ils connaissent et fréquentent continuellement d’une année sur l’autre.
Il existe pour la grue cendrée huit axes principaux. L’aire de nidification est si vaste que toutes ne vont pas emprunter la même voie pour descendre au sud.
En France, un axe bien délimité traverse le pays de part en part depuis le nord-est jusqu’au sud-ouest, passant en ligne droite par la Lorraine et l’Aquitaine, pour franchir les Pyrénées au plus bas par les cols Basques du massif.
Trois haltes importantes existent en France sur cet axes, si importantes que certaines grues choisissent d’y hiverner plutôt que de poursuivre encore le voyage. Mais nous anticipons !

La phénologie de la migration, c’est à dire le schéma temporel qu’elles empruntent, se dessine comme cela :
A l’automne, les premiers départs se font sentir essentiellement en septembre, mais s’étalent ensuite sur deux mois. Les arrivées en France se font dès le mois de septembre pour les plus précoces, et arrivent en masse en octobre mais s’échelonnent jusque tard dans l’hiver, parfois jusqu’en janvier. Elles migrent essentiellement de jour, bien que les vols nocturnes ne soient pas rares, et effectuent des haltes qu’elles connaissent au fur et à mesure, où elles se restaureront pendant un ou plusieurs jours, avant de reprendre la route.

Ces haltes, donc, nous y voilà, sont importantes pour l’espèce. Elle recherchera des zones regroupant différents critères qui lui assureront quiétude et plein d’énergie.
En fait le fonctionnement de la grue sur ces haltes est très simple : elle occupe la nuit les dortoirs. Ce sont des zones humides, des lacs, des marécages, au milieu desquels elle se sent en sécurité, car les seuls prédateur qu’elle craint vraiment ne peuvent venir que de la terre, et l’eau forme une barrière naturelle.




Le jour, les oiseaux quittent ces dortoirs en bandes plus ou moins grandes pour rallier ce qu’on appelle les zones de gagnage. Ce sont les sites d’alimentation, dans les prairies, les champs qui peuvent être distants de plusieurs dizaines de kilomètres, et où elles attendront la nuit pour rejoindre à nouveau le dortoir.





En France, donc, trois haltes principales se distinguent. Du nord au sud on trouve la Lorraine, les grands lacs de Champagne et les Landes de Gascogne.
Si les lacs de Champagne, et notamment le lac du Der, sont la premier site dans le pays pour la migration de la grue, seules quelques-unes y passeront l’hiver.
C’est dans les Landes de Gascogne que s’effectue le principal de l’hivernage de l’espèce dans notre pays, avec à jour près de 70 000 individus au meilleur de l’hiver, chiffre qui augmente sensiblement chaque année.

Puis l’hiver se passe, dans les brumes et les matins gelés, et vient un jour de février ou les premiers grands vols prennent de l’altitude, non plus pour rejoindre les gagnages mais bien pour quitter les lieux. Ce n’est pourtant pas que la température augmente, février étant parmi les mois les plus froids, mais pourtant l’essentiel des grues repartent déjà. En quelques jours des milliers de grues zèbrent alors le ciel. Le signal est donné. Ce grand départ est singulièrement rapide et l’on s’étonne d’une telle organisation, de pouvoir mettre en branle tant d’oiseaux en si peu de temps.
Car en mars déjà il ne reste plus grand monde ; la fin du mois signe la fin des grues et six mois d’attente à nouveau pour les revoir.

Ce qui détermine vraiment leur départ est la photopériode. C’est la durée d’ensoleillement. C’est un indice bien plus fiable et rigoureux que la température, car il qui ne varie pas d’une année sur l’autre.
En s’y fiant, les oiseaux savent qu’ils seront de retour à temps dans leur toundra nordique pour se livrer à nouveau aux besoins de la reproduction.


Crédits photos : Fédération des chasseurs des Landes, FGilbert-PNRLG